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traire, les bâtiments, les machines sont des capitaux et non des revenus. J’ajoute que si certaines espèces de la richesse sociale sont naturellement des capitaux, et certaines autres naturellement des revenus, il y en a aussi, en grand nombre, qui sont ou des capitaux ou des revenus selon l’usage auquel on les emploie ou le service qu’on leur demande. Tels sont les animaux, qui sont des capitaux lorsqu’ils travaillent ou qu’ils donnent du lait ou des œufs et qui sont des revenus lorsqu’on les tue pour s’en nourrir. Toujours est-il que, soit par nature, soit par destination, toute utilité limitée en quantité, toute chose rare, ou sert plus d’une fois ou ne sert qu’une fois, et qu’elle est, en conséquence, ou un capital ou un revenu. Les terres, les personnes et les capitaux proprement dits sont des capitaux ; le service des terres ou la rente, le service des personnes ou le travail, le service des capitaux proprement dits ou le profit sont des revenus. Il faut donc, pour être exact et précis, reconnaître, comme services producteurs, trois sortes de capitaux et de revenus, les capitaux et revenus fonciers, personnels et mobiliers : les terres et la rente, les personnes et le travail, les capitaux proprement dits et le profit. Ainsi rectifiées, les dénominations courantes peuvent être admises. Elles sont alors fondées sur la nature des choses. Les terres sont des capitaux impérissables ; les facultés personnelles sont des capitaux intransmissibles ; les capitaux proprement dits sont des capitaux artificiels ; et ces caractères ont une importance économique, qui non-seulement explique, mais justifie la distinction. Ainsi, la circonstance que les terres ne se consomment ni ne se détruisent fait que le prix de leur revenu ne comprend pas de prime d’amortissement ni de prime d’assurance. Celle que les capitaux proprement dits sont des produits de l’industrie fait que leur prix de vente concorde avec leur prix de revient, etc.

Cela dit, nous avons à rechercher pourquoi et comment il se fait, dans une société économique soumise au régime de la libre concurrence, qu’il y a pour le service des terres ou pour la rente, pour le service des facultés personnelles ou pour le travail, pour le service des capitaux proprement dits ou pour le profit, des prix courants qui sont des quantités mathématiques ; nous avons à proprement parler à formuler le système d’équations dont les fermages, les salaires et les intérêts sont les racines. L’importance de cette étude n’apparaît-elle pas suffisamment si l’on songe qu’en économie politique il y a actuellement cinq ou six théories de la rente, ce qui revient exactement à dire qu’il n’y pas de théorie de la rente, pas plus qu’il n’y a, du reste, de théorie du salaire ou de théorie de l’intérêt ?