servir d’intermédiaire dans les échanges, il n’y aurait qu’une chose à faire : ce serait de se passer d’intermédiaire ; et, à défaut de pouvoir échanger des marchandises contre de l’argent pour échanger ensuite de l’argent contre des marchandises, il faudrait échanger des marchandises contre des marchandises, en balançant les comptes.
Aussi l’absence du numéraire n’est-elle nullement le fait capital dans le problème du crédit tel que je l’ai présenté. Écartons ce fait ; reste ceci que l’échange soit fait à terme au lieu d’être fait au comptant. Voilà le fait capital, caractéristique, anormal dans l’échange, qu’il faut expliquer et motiver.
L’insuffisance de la masse du numéraire, qu’elle existe ou non, ne saurait être un obstacle insurmontable ni même une difficulté sérieuse pour l’échange ; cela est certain : on échangerait des marchandises contre des marchandises, des valeurs contre des valeurs. Mais supposez que l’on n’ait point de numéraire, point de marchandises, ni aucune valeur à donner en échange ; voilà une circonstance qui serait plus grave, et qui rendrait l’achat difficile. Entendons-nous : je dis aucune valeur circulante ou disponible ; car il est bien certain que si le dénûment était absolu, l’achat ne serait pas seulement difficile : il serait impossible. Là donc où le problème de l’échange se complique, c’est alors qu’on veut faire entrer en échange des valeurs fixes ou engagées. C’est la solution de cette difficulté qui est aussi celle du problème du crédit.