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ment s’expliquer leur erreur ? Par cette considération qu’ils ne comprirent point le rôle ni la puissance de l’épargne ; et que le travail leur parut n’être jamais occupé qu’à combler un vide toujours béant, la production nous rendant incessamment les richesses détruites par la consommation. C’est ainsi que tous, y compris Turgot, nommèrent stériles mais non pas inutiles toutes les classes autres que la classe agricole.

Au sein d’un peuple industriel, en Angleterre, les économistes virent au contraire dans le travail la source de toute richesse. Du travail naissaient, à leur dire, non-seulement les capitaux artificiels» mais en quelque sorte la terre elle-même qui n’avait à leurs yeux de valeur que celle qui lui était donnée par le travail. Les économistes anglais ne surent pas reconnaître que la terre possède une valeur d’instrument, une valeur de capital, et que la rente ou loyer du sol en est le revenu[1]. Au reste, cette vérité n’a été complètement mise en lumière que depuis quelques années, par M. Passy[2], et l’erreur de l’école anglaise est encore aujourd’hui celle de plusieurs économistes : celle de M. Thiers et celle de M. Proudhon. Il faut dire que, dans cette voie malheureuse, le second de ces

  1. Ce sont Smith et Ricardo qui ont mis dans le travail l’origine de la valeur. Mais, toutefois, ils n’ont pas conclu de ce principe à la négation de la valeur du sol. Par une inconséquence heureuse, Smith et Ricardo reconnurent que la rente foncière payait l’usage des facultés productives de la terre. Ce sont MM. Carey et F. Bastiat qui, plus logiques, mais moins bien inspirés, ont déduit du principe incomplet de l’école anglaise touchant l’origine de la valeur, des conséquences erronées touchant la valeur du sol. (Voir F. Bastiat, Harmonies économiques.)
  2. Dictionnaire d’Économie politique.