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L’ÉCONOMIE POLITIQUE

font bon marché de la vie, de la liberté, de l’intelligence des masses. Sous prétexte que telle est la loi économique, qu’ainsi le veut la fatalité des choses, ils sacrifient, sans nul remords, l’humanité à Mammon. C’est par là que s’est signalée, dans sa lutte contre le socialisme, l’école économiste : que ce soit son crime et sa honte devant l’histoire !

Cette colère est bien ridicule ! Vous accusez les économistes d’opter pour une dépravation qui, suivant eux, les ruinerait. Vous reprochiez tout à l’heure aux fondateurs de la science d’avoir méconnu la notion du droit ; c’était un reproche sans fondement. Vous accusez leurs successeurs de l’avoir foulée aux pieds ; c’est une absurde calomnie. Les économistes modernes ont suivi l’exemple de leurs devanciers : ils ont applaudi à la moralité de certains règlements, flétri l’immoralité de certains autres ; ils ont démontré que la justice est elle-même une puissance économique.

Les autres reculent effrayés devant le mouvement économique, et se retournent avec angoisse vers les temps de la simplicité industrielle, de la filature domestique, et du four banal : ils se font rétrogrades.

Franchement, dans les données qui sont les vôtres, ces braves gens mériteraient d’être moins persiflés et plus encouragés. Misère pour misère, que triomphe au moins la justice ! Soyons pauvres, mais honnêtes !

Ici encore je crois être le premier qui, avec une pleine intelligence du phénomène, ait osé soutenir que la Justice et l’économie devaient, non pas se limiter l’une l’autre, se faire de vaines concessions, ce qui n’aboutirait qu’à une mutilation réciproque et n’avancerait rien, mais se pénétrer systématiquement, la première servant de formule constante à la seconde ; qu’ainsi, au lieu de restreindre les forces économiques dont l’exagération nous assassine, il fallait les balancer les unes par les autres, en vertu de ce principe, peu connu