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sance exclusive de ses forêts, jouissance qui constitue sa rente foncière, sans qu’il s’en rende compte et sans qu’il sache en faire le départ.

Le sauvage, s’il accordait à des étrangers le droit de chasser sur ses terres, ne le ferait point sans exiger qu’ils prissent la peine de tuer pour lui quelques-uns de ces daims dont il a besoin pour subsister ; et c’est alors qu’en se disposant à manger sa nourriture en famille, il pourrait dire, en montrant les daims qu’il aurait tués lui-même :—ceci est mon salaire, et en parlant de ceux qu’on aurait tués pour lui :—ceci est ma rente.

Ce que je dis ici du chasseur peut se dire également du pasteur nomade pour lequel les bons pâturages sont, au point de vue du concours de la terre, ce que sont, pour le sauvage, les forêts giboyeuses. Sans doute, la rente foncière se dessine plus nettement dans l’état agricole que dans l’état pasteur ou l’état chasseur ; mais il n’en est pas moins vrai que, quel que soit le régime économique d’une société, il y a toujours dans la valeur des produits demandés au sol une portion représentant le concours du sol.

Il ne faut pas oublier, d’ailleurs, que la terre n’est pas le seul bien qui témoigne de la générosité de la Providence à notre égard. Elle nous a donné l’air, le vent, l’eau des fleuves et des mers, la lumière et la chaleur solaires, les forces de la pesanteur, de l’électricité, qui sont aussi des agents de production puissants et considérables. Mais ces derniers biens nous sont donnés à profusion, ils sont illimités dans leur quantité ; dès lors ils sont sans valeur et ne peuvent