Page:Walras - L’Économie politique et la justice.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sanctionnée par les formalités civiles ; le concubinage, c’est l’union non sanctionnée par ces mêmes formalités. L’enfant légitime, c’est celui qui est né du mariage légal ; le bâtard, c’est celui qui est né hors mariage. Dire : — L’enfant légitime, c’est un bâtard ; dire : — Le mariage légal, c’est le concubinage ; dire : — La propriété, c’est le vol, c’est se contredire à plaisir ; ou c’est battre la caisse pour ameuter les badauds.

Mais non. M. Proudhon prend sa phrase au sérieux ; il y croit ; il y revient ; il la fait valoir. Il s’engage à nous démontrer par une analyse rigoureuse que la propriété est de même nature, quant au fond, que le vol. Puis donc qu’il y a dans la fameuse phrase : — La propriété, c’est le vol, le germe d’une théorie, il convient d’éviter toute équivoque, et de ruiner dans leur principe les puérils sophismes dont l’auteur paraît vouloir abuser cruellement tout à l’heure.

Sans doute il y a bien, quant au fond, dans le vol et dans la propriété quelque chose d’analogue et même d’identique : ce quelque chose, c’est l’appropriation d’abord, c’est ensuite la possession de la chose appropriée. Mais si nous appelons propriété la possession légitime, si nous appelons vol l’appropriation illégitime ; si nous sommes au point de vue moral, au point de vue du droit et de la justice ; et si pour nous la question de légitimité ou d’illégitimité de l’appropriation et de la possession est tout, ne demeure-t-il point assuré que la propriété est le contraire du vol ?

Il y a aussi un élément d’analogie, une part d’identité dans un verre d’eau sucrée et dans une dissolution d’arsenic : ce sont deux boissons incolores. M. Prou-