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ET LA JUSTICE.

sion, et l’exclusion se fonde sur la limitation des choses propres. Qui dit valeur d’échange, dit sacrifice à faire en échange, et le sacrifice que l’on fait ne se motive que par l’impossibilité où l’on est de se procurer autrement l’objet de ses désirs. Si tous les objets dont nous pouvons avoir besoin étaient naturellement illimités dans leur quantité, il n’y aurait pas de propriété, il n’y aurait pas de valeur ; sans propriété ni valeur, il n’y aurait pas d’échange. Ce n’est que par la limitation dans la quantité des choses utiles qu’on peut expliquer la propriété, la valeur d’échange, et l’échange.

Cette communauté d’origine, cette simultanéité d’apparition des deux faits généraux de la valeur d’échange et de la propriété est essentielle à signaler. Toutefois sans rien ôter à notre observation de son importance, il ne faut pas non plus lui en donner plus qu’elle n’en comporte. Or, à tout prendre, l’échange n’implique, et la limitation en quantité des utilités n’explique que la valeur d’échange et l’appropriation ; mais nullement la propriété, c’est-à-dire l’appropriation légitime et conforme à la justice. La question de droit reste entière. Cela n’empêche point qu’il ne puisse et doive y avoir, comme en effet il y a, matière à faire une théorie du fait de la propriété, en partant du fait de l’appropriation pure et simple pour le soumettre aux principes de la justice, tout aussi bien qu’il peut et doit y avoir matière à faire une théorie du fait de la valeur d’échange indépendante de la justice.