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S’égarer quand seul et sans guide on s’aventure dans l’obscurité d’une science pressentie, mais à peine entrevue, cela est après tout, peut-être honorable. Mais promettre de démontrer l’évidence, entreprendre une démonstration lente, méthodique des vérités jusqu’ici les plus reconnues[1] ; puis n’aboutir qu’à compromettre ces vérités, qu’à obscurcir cette évidence, cela serait infiniment ridicule si ce n’était encore plus dangereux.

L’exemplaire du livre : De la propriété, par M. A. Thiers. que j’ai sous les yeux, est un exemplaire d’une édition populaire à un franc, publiée sous les auspices du Comité central de l’Association pour la Défense du Travail national. La couverture invite le lecteur par un N. B. à voir, à la première page, la circulaire de l'Association. Pénétrons-nous des intentions de cette circulaire.

« Un livre, y est-il dit, qui vient de paraître, nous a semblé éminemment propre à remplir le but que nous poursuivons, c’est celui que M. Thiers a publié sous le titre : De la Propriété. Ce livre, déjà traduit et tiré en Angleterre à cent mille exemplaires, que l’Allemagne et l’Espagne se sont également empressées de traduire, et dont la Belgique a fait une édition populaire, a été considéré partout comme la meilleure réponse à ces attaques systématiques dirigées par différentes sectes contre l’ordre social.

L’œuvre de M. Thiers ne laisse en effet subsister aucun des paradoxes à l’aide desquels on a essayé de pervertir le bon sens des masses :…

« …Il importe que cet ouvrage reçoive la plus grande publicité, qu’il se répande dans les écoles et dans les ateliers, et que des lectures publiques habilement ménagées fassent descendre de l’instituteur à l’élève, du contre-maître à l’ouvrier, les excellentes doctrines du livre de M. Thiers. Ce sera le meilleur moyen de dissiper les funestes impressions qu’ont pu laisser les prédications du Luxembourg, et nous raffermirons ainsi nos populations laborieuses dans la pratique du bon et du juste. »

Puis donc que M. Thiers se pose en défenseur de l’ordre social et se fait accepter pour tel, c’est à lui seul qu’il faut s’attaquer. Et il faut faire voir combien cet Achille conservateur a compromis l’Ilion qu’il s’était chargé de défendre.

  1. De la Propriété, p. 3.