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D’autre part, il est certain que, dans une société où le principe de la division du travail est appliqué, chacun travaillant en vue de l’échange de ses produits, l’intérêt privé du travailleur ne lui commande pas seulement de produire beaucoup, mais qu’il lui commande aussi de produire les objets marchands qui sont relativement très-demandes et peu offerts ; car la vente de ces objets se faisant à un prix vénal fort élevé, il restera pour le producteur, déduction faite du prix de sa matière première et du loyer de ses instruments, une part considérable représentant le salaire de son travail.

Ainsi, d’une par», les objets acquièrent une valeur plus ou moins haute ou basse suivant qu’il manquent ou qu’ils abondent : et d’autre part, l’intérêt privé des producteurs les pousse à produire les objets qui ont la plus grande valeur d’échange. Il se trouve donc en définitive qu’ils s’empresseront de produire les objets dont le besoin se fait sentir, et de combler les vides dont peut souffrir et se plaindre la consommation. Leur intérêt privé est donc en conformité parfaite avec l’intérêt général.

La production des souliers va diminuer, et elle ne diminuera pas au delà des limites convenables, sans quoi elle augmenterait bien vite. La production du pain augmentera, et elle augmentera d’une façon raisonnable, sans quoi elle viendrait bientôt à diminuer. Ce que nous disons ici du pain et des souliers pouvant s’appliquer à toute espèce d’objets de consommation, il en résulte que la fatalité providentielle des lois naturelles suffit à réglementer la production sous le rapport de la condition de proportion.

De quoi il ressort que la division du travail étant pratiquée, et que la théorie de la distribution étant constituée de façon à satisfaire intégralement aux droits individuels de propriété du travailleur sur le fruit de son travail, le principe de la liberté absolue du travail et de l’échange, ou le principe du laissez faire, laissez passer, est le principe souverain de la production, vu qu’il est tout à la fois nécessaire et suffisant à l’existence d’une production, de richesse abondante et proportionnée.