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malgré ces mécomptes, leurs investigations scientifiques ; et les vérités qu’ils atteignent laborieusement les vengent assez en ruinant les résultats douteux préconisés par tous les empiriques.

En parlant ainsi des économistes, j’entends parler surtout de l’économie. Il m’importe assez peu que dans l’œuvre souvent considérable de tel ou tel auteur il se trouve, à côté de théories vastes et profondes, quelques lacunes. Je ne suis pas non plus dérouté si je vois, au sujet d’une question capitale, tel ou tel professeur hésiter ou se fourvoyer. Au-dessus des savants, il y a la science elle-même qui, de sa naissance à l’apogée de sa gloire, grandit peu à peu, suivant sa voie, persistant dans ses tendances. L’économie politique n’est point dans le dernier ouvrage publié sous le nom de Cours ou de Manuel ; elle est dans la somme des vérités qui se sont imposées en son nom, elle est dans la tradition fidèlement maintenue depuis le jour où on l’a fondée jusqu’au moment présent. C’est là qu’elle est, aussi fière de ses défaites passagères que de ses triomphes définitifs. J’appelle économistes les hommes qui préfèrent l’honneur de se rallier à cette tradition à la gloriole douteuse de paraître apporter au monde de prophétiques révélations.

L’utilité des choses qui peuvent concourir à la satisfaction des besoins des hommes les fait généralement demander ; la rareté relative de ces mêmes choses ne permet de les offrir à la demande générale qu’en quantité limitée. D’où la valeur d’échange et l’échange nous apprend l’économie politique. La valeur a donc son origine dans la limitation en quantité des utilités qui les fait rares. Il suit de là qu’elle a sa mesure dans les circonstances respectives de l’offre et de la demande qui se produisent sur le marché.

Lorsque les objets marchands résultent de l’application du travail à quelque matière première, la somme de la valeur vénale de la matière première, du loyer des instruments de travail, du salaire des travailleurs, constitue le prix de revient ou les frais de production des objets. La valeur vénale de ces mêmes objets ainsi produits se déterminant ensuite naturellement sur le marché, peut être inférieure, égale, ou supérieure au prix de revient. Dans le premier cas, la différence constitue une perte ; dans le dernier, elle constitue un bénéfice, lequel