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taire, mais forcé ; qu’enfin l’impôt ne doit pas être proportionnel.

Il y aurait une observation à faire en faveur du projet d’impôt de M. de Girardin : c’est qu’il cherche à épargner les facultés personnelles et le travail, et à peser de tout son poids sur la propriété foncière et sur le capital artificiel. Je ne juge pas les systèmes que j’expose : je tâche seulement d’en faire apprécier la méthode ; d’ailleurs, la question de l’impôt est beaucoup trop vaste et considérable pour qu’il me soit permis de ne l’aborder que superficiellement ; je dirai cependant que l’idée de M. de Girardin semble éminemment libérale, et même démocratique. Que répondrait pourtant l’auteur si je lui faisais remarquer que le capitaliste trouvera toujours moyen de faire payer l’impôt parle travailleur ? Mais comment le pourrait-il ? En vendant plus cher l’usage de son capital. Ainsi cet impôt, proportionnel au capital foncier ou artificiel, serait meilleur que l’impôt actuel, proportionnel au revenu ; toutefois, il ne serait pas parfaitement juste.

Cela dit, j’emprunte à M. de Girardin les éléments d’un jugement sur l’impôt tel qu’il le comprend. Il en dit lui-même, avec quelque sévérité :

« S’il n’est pas parfaitement juste, il est absolument faux.
S’il n’est que meilleur, il ne vaut rien[1]. »


§ 4. L’École économiste et la production de la richesse

Quittons, quittons les régions malsaines de l’empirisme, et courons respirer l’atmosphère salubre de la science. En présence de la question sociale, nous ne voyons plus qu’un parti d’hommes plus consciencieux à vrai dire que hardis, mais peu jaloux d’affecter le fanatisme et le farouche orgueil des dictateurs en disponibilité, la turbulence des tribuns, ou la suffisance des hommes d'État incompris. Ce sont les économistes : M. Louis Blanc les dédaigne, M. Proudhon les injurie ; le plus grand nombre des socialistes se borne à les ignorer ; et ils ne sont guère connus de la foule peu curieuse de principes en général, et ne s’inquiétant guère que d’applications, fussent-elles utopiques. Les économistes n’en poursuivent pas moins,

  1. Le Socialisme et l’Impôt, p. 124.