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La plupart des sectes inférieures abandonnent plus ou moins complètement les régions économiques pour se renfermer dans le domaine d’une morale de sentiment. Là on s’occupe assez peu d’élucider le problème de la concurrence ou du monopole, le problème de la propriété individuelle ou de la propriété collective ; on veut rendre les hommes doux, laborieux, charitables, les orner de toutes les vertus domestiques. On ne s’en prend pas aux lois, mais aux mœurs : cette besogne est affaire à des prédicateurs, non à des législateurs.

Quant aux individualités indépendantes du socialisme, on les rencontre, en nombre infini, tantôt sur le terrain de la morale, tantôt sur celui de l’économie, toujours y déployant avec une assurance fâcheuse une grande ignorance et des ressources imprévues d’empirisme. Parlerai-je du dernier de ces publicistes qui ait ainsi trompé mon attente ? Je trouve d’abord qu’il demande à grands cris que l’État soit exclusivement commerçant, l’individu exclusivement industriel. Peut-être serais-je tenté d’accorder quelque attention à cette proposition tout administrative, si plus loin je ne voyais apparaître un système de crédit social basé sur ce principe que le numéraire n’a qu’une valeur conventionnelle, qu’il convient de démonétiser les métaux et de leur substituer du papier[1]. Que répondre aux inventeurs de pareilles théories ? Que leur dire, sinon qu’ils veuillent bien consentir à s’instruire des éléments de la science économique, avant d’en tirer des applications ?

Je n’ose guère exprimer de pareils dédains à l’endroit d’un publiciste aussi populaire que M. E. de Girardin ; et pourtant Dieu sait si plus que personne il peut se reprocher d’avoir porté dans la science les habitudes relâchées et le dogmatisme superficiel du journalisme contemporain. Quoi qu’il en soit, après avoir offert à mes lecteurs un type de communiste aussi complet que M. Louis Blanc, je leur dois un échantillon d’individualiste le plus pur qu’il soit possible de se procurer.

Examinons donc en particulier les idées et le travail de M. de Girardin sur l’impôt. Tout d’abord il est facile de se convaincre que, s’il s’agit pour nous de trouver la solution de la question sociale dans la constitution de la science sociale, le problème de l’impôt est éminemment à l’ordre du jour : car il

  1. R. Venisse, De l’Économie sociale dans l’Échange et le Crédit.