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M. Proudhon est un homme qui a au plus haut point le sentiment de sa personnalité : aussi a-t-il combattu violemment le communisme. — Alors, penserez-vous, il a défendu énergiquement le principe de la propriété individuelle. — Tout au contraire : il l’a foulé aux pieds. — Mais, direz-vous si M. Proudhon n’est partisan ni de la propriété collective, ni de la propriété individuelle, que peut-il être ? C’est ce qu’il serait assez malaisé d’expliquer.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que je m’aperçois combien les doctrines socialistes sont difficiles, je ne dirai pas à expliquer, mais à exposer. Cela se conçoit. L’essence de l’empirisme étant de ne se baser sur aucun principe fondamental, de ne jamais déduire, mais d’affirmer toujours à priori, il est tout naturel que ses élucubrations soient contradictoires, vagues et rebelles à toute exposition logique et rationnelle. Que font à M. Proudhon l’individualisme et le communisme ? Ce sont des systèmes ; donc il lui convient de les ignorer. Tout au plus l’entendrez-vous agiter les lieux communs de l’égalité et de l’inégalité. Et comment alors rattacher les doctrines de M. Proudhon soit à l’un de ces systèmes, soit à l’autre, à moins de les interpréter, à moins de les traduire en quelque sorte en un langage scientifique et philosophique ?

Si tout au moins l’empirisme était logique, la tâche du critique serait encore assez facile. Il n’aurait que la peine de rattacher lui-même à des principes rationnels les assertions des publicistes de cette école malencontreuse. Il n’en est point ainsi malheureusement. Tel empirique que vous surprenez, à certain moment, en flagrant délit de communisme vous apparaît, un peu plus loin, comme fortement imprégné, à son insu, d’individualisme. Il faut alors de toute nécessité négliger certaines contradictions, rechercher autant que possible une tendance à peu près générale, accuser cette tendance en termes techniques, tâche délicate et qui demande autant de patience que d’impartialité.

Je vais essayer d’interpréter de cette façon la doctrine de M. Proudhon. Mais que si, par hasard, l’auteur se trouvait incompris, il ne s’en prenne qu’à lui seul de cette mésaventure.

C’est M. Proudhon qui a dit : — La propriété, c’est le vol, phrase absurde qui dénote chez l’auteur la plus profonde