Page:Walras - Introduction à l'étude de la question sociale.djvu/2

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Nous ne ferons suivre l’exposition de ces faits d’aucun commentaire, ajoutait le professeur : il n’y en aurait pas qui pussent atteindre à l’éloquence de pareils chiffres. » — Et le mal étant ainsi constaté, il s’efforçait d’en indiquer tout à la fois la cause et le remède. Nous imiterons cette réserve aussi digne de la sensibilité d’un homme de cœur que du sang-froid d’un philosophe. Il n’y a point de médecins ni de chirurgiens qui voyant des maladies ou des blessures se prennent à pleurer et à gémir ; s’il y en a, ce ne sont pas les meilleurs. Et de même, en présence des plaies de la société, l’économiste doit savoir rester calme, faire taire ses émotions au profit du succès de ses études, enfin quitter, quand une fois il l’a parcouru dans tous les sens, le champ de la réalité impressionnante, pour s’élever jusqu’au domaine de la froide abstraction qui est aussi celui de la science.

Pour ces raisons, nous éviterons de faire un étalage emphatique de chiffres qui doivent être pour tous déplorables, mais qui ne sont, Dieu merci ! pour personne accusateurs. Nous nous contenterons d’affirmer que la moyenne des salaires des ouvrières n’est pas en province plus élevée qu’à Paris ; et que la situation des ouvriers hommes n’est guère, toute proportion gardée, beaucoup plus brillante que celle des femmes[1]. Qu’on n’oublie pas non plus que l’impôt poursuit et sait toujours atteindre, si exigus qu’ils soient, tous les salaires.

Au nombre des causes du paupérisme, du moins en ce qui concerne les ouvrières, M. Baudrillart mettait en première ligne l’absence d’instruction élémentaire et d’instruction professionnelle.

  1. Voici des chiffres. La moyenne des salaires des ouvriers est, à Paris, de 3 fr. 80 par jour. Maximum : 35 francs. Minimum : 0 fr. 50.
    27,453 hommes ont un salaire inférieur à 3 francs ;
    157,216 ont de 3 francs à 5 francs ;
    10,393 gagnent plus de 5 francs.
    Ne sont pas compris dans ces tableaux :
    16,803 jeunes garçons âgés de moins de seize ans ;
    7,851 jeunes filles.
    Ces chiffres et ceux cités plus haut sont empruntés à la Statistique de l’industrie à Paris en 1847.