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qu’elle, ne sentait qu’elle, sa main fine le frôlant son parfum pénétrant qui le poursuivait ; vis-à-vis d’elle, le côté stupide de sa situation l’exaspérait ; il voulait alors s’étourdir, cherchant un dérivatif, et ne trouvant rien que les amours banales dont il avait pourtant l’irrémissible dégoût.

Lysiane, Lysiane seule eût ranimé sa vie, et cinglé de lanières ses lassitudes.

La revoir après deux ans, la revoir, seule, ressaisir dans une intonation, dans un geste, cette femme-énigme qui, en le rejetant, l’avait conduit à cet écœurement de toutes choses, qui lui faisait traîner sa vie comme une charrue trop lourde.

Bien des fois il avait songé à cette visite.

Il s’était dit : « J’irai et je lui parlerai, et je la reprendrai », et chaque fois une grande crainte l’avait saisi à la gorge de revenir de Rouge-Cloître plus dédaigné, plus amoindri, n’ayant même plus ce reste d’espoir, cette dernière lueur !

L’obsession persista. De loin, une voix passionnée l’appelait avec des intonations étranges, irrésistibles. C’était comme un appel entendu dans la distance et qui, de proche en proche, décroissait en ineffable douceur. La voix sanglotait en roulant à travers les vents, par delà ce bois de Rouge-Cloître dont le nom seul évoquait la couleur du sang qui bouillonne et la volupté qui s’enferme.

— Vous ferez atteler le coupé, dit un soir Grégory à son valet de chambre, je vais à la campagne.

La décision était prise. Il serait mal reçu, découragé, raillé par Lysiane, mais il la reverrait, il puiserait dans sa seule vue un renouveau de souvenance, et après ? après, au plus profond il tomberait, moins il y verrait clair !