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Christine vécut donc dans un milieu choisi, n’entendant que ce qu’elle pouvait entendre de la conversation que l’on tenait tous les soirs dans le salon de sa mère. Cependant, malgré ses précautions puritaines, la baronne ne put empêcher la jeune fille de s’initier aux coquetteries, au flirtage, à toute la jolie comédie de la société. Parmi les assidus de ses réceptions, le comte d’Astor et le duc de Perriane avaient longtemps rivalisé de galanterie avec la jeune baronne de Silvère. C’était, d’ailleurs, le seul salon où Grégory pût se plaire. A dix-neuf ans, pris de cette envie de tout voir et de tout entendre, que l’on éprouve au sortir du collège, il s’était fait aisément ouvrir toutes les portes, et, pendant deux ans, n’avait pas omis une seule soirée. Mais, de jour en jour, lui monta au cœur ce dégoût de la société mondaine où l’on ne voyait en lui qu’un incomparable « parti ».

A de rares intervalles, il rencontra des communautés de sentiment et d’aspirations, mais la plupart des gens qu’il coudoya ne lui découvrirent que l’affreux vernis à la mode, le chic, l’esprit de petite marque. Les jeunes filles surtout l’horripilèrent ; les unes lui semblaient rouées, sans même être vicieuses, les autres innocentes sans chasteté. D’aucunes s’abandonnaient avec mollesse entre ses bras, dans le balancement de la valse, comme pour avoir l’avant-goût du lit conjugal, mais cette troublante et dangereuse naïveté se gâtait aussitôt par des paroles niaises, des réponses banales ou de sottes questions sur la danse et la musique. Parfois le duc, à les voir, s’était demandé comment un homme d’esprit élevé pouvait songer au mariage, et, sceptique par défiance, il ne