Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/178

Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est ce soir la reprise de Sigurd… pourvu qu’il y ait encore de la place !

« La Walkyrie est ta conquête
Et ne crains pas qu’elle regrette
Prè—è—s de toi les palais des cieux. »

Jacques Ferrian se berçait en sa détresse, la trouvant douce et la trouvant exquise. Il avait bon de se sentir le cœur martyrisé dans une erreur de destinée folle qui tout à coup était venue et tout à coup était partie. Puis, sentant qu’il n’y avait rien à faire, et que c’était irrémédiable, et qu’il était lié pour la vie, un désespoir immense le prit. Il ne voulait pas dire sa douleur cependant. Aucun parent, aucun ami ne reçut la confidence de son âme blessée et trompée ; il garda pour lui, comme un crime, sa secrète souffrance ; il fut heureux presque d’être malheureux sans qu’on le sût, de gémir dans le silence, de se savoir amaigri, émacié, souffrant de corps autant que d’âme, car il avait senti en lui naguère, au beau temps des ambitions, des rêves fous, des adorables désirs, une soif de joie et de tendresse. Il avait voulu se faire aimer et se faire comprendre… Il avait tant crié, pleuré dans le tourment de sa continuelle solitude, pour arriver à la suprême et infinie délectation, et maintenant il se trouvait perdu dans un abîme de néant et d’indifférence. Il retournait à la pensive contemplation de lui-même, avec, dans sa vie, un rêve de moins et un regret de plus, avec l’irrémissible plainte de sa jeunesse abolie et son avenir tombé.