Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/131

Cette page n’a pas encore été corrigée

La colonie française, éparpillée dans la foule, s’était retirée. Les bruits reprenaient, plus forts, enflés et comme mugissants, à croire qu’un souffle de haine eût passé sur toutes ces lourdes têtes. Dans les allées sablées, les étudiants reformaient leurs groupes, et la lumière des gaz faisait éclater crûment le rouge, le blanc, le bleu des bérets. L’orchestre aussi s’était débandé ; une partie, avec ses pupitres et ses instruments, avait disparu derrière un bosquet au fond du square, tandis que l’autre, restée dans le kiosque, se calait avec des mouvements plus larges et plus dégourdis.

Ferrian et Greta se promenèrent quelques instants, puis allèrent s’accouder à la balustrade de granit, devant le fleuve.

Au loin, dans la campagne, en aval, jaillissaient de temps en temps de petites lueurs aux fenêtres des masures, et l’on percevait des vies humbles agitées derrière de minces rideaux. Des bruits troublants venaient aussi du lointain, apportés par des courants de brise, et le fleuve enfoncé dans la nuit roulait toujours, accompagné par le bruit doux et mélancolique de ses eaux.

Quelqu’un frappa sur l’épaule de Ferrian ; il se retourna :

— Tiens, Chastel !

— Ja ! fit gravement celui-ci. Ah ! pardon, ajouta-t-il en apercevant Greta, pardon, tu n’es pas seul.

— Tu vois ; mademoiselle, je vous présente Georges Chastel, un de mes bons amis de Bruxelles. Mlle Friedmann, la fille de mon hôte… Et que fais-tu ici ?

— Je me promène ; il fait d’un bête à Bruxelles ; tout le monde est filé pour la mer, pour la campagne, que sais-je ?