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leur lourd sabre à fourreau d’acier entre les jambes, quelques cuirassiers blancs venus de Cologne, tout cela bougeait, houlait, parlait, jabotait, et : Boum ! Kellner ! Ja, Herr Professor ! Boum ! eh ! da ist er ! da Strauss ! prafo ! prafo ! Hurrah !

Le maestro gravit les marches du kiosque ; puis, se retournant, salua raidement, la main plate sur le cœur.

On applaudit encore : Prafo ! Pra-a-a-a-fo !

Un silence. Strauss leva sa baguette, parcourut d’un regard circulaire l’orchestre, puis abaissa le bras, — d’un coup brusque.

Et la valse commença, lente, amollie, glissant les notes comme des gazes, frissonnant dans les feuilles, puis réveillée tout à coup, reprenant le thème qui met des envies de valse aux jambes ; et les jeunes filles, l’œil noyé, caressantes comme des chattes, regardaient les hommes. Allait la valse, la valse ! et ses ondulations tournantes grisaient les têtes, et les buveurs, le regard vague, se balançaient sur leurs chaises comme des bêtes repues, accompagnant la musique de longs gestes tendres.

Le soir, descendu peu à peu, amoncelait sur le Rhin ses larges ombres ; un à un, on alluma dans le jardin les becs de gaz dont les globes dépolis firent autant de lunes blanches au milieu des verdures. Il y eut un grand mouvement de houle avant le dernier morceau : la Bataille de Gravelotte.

Les officiers, animés par la boisson, se promenaient à présent dans les chemins, avec des allures plus cassantes, attendant avec impatience les airs de bravoure promis par l’affiche.