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à laquelle il se laissait aller comme à un repos ineffable. Devant lui, rien que des arbres, des plaines et des monts, sous le ciel ; en lui, la paix, le bercement de l’idée atténuée et flottante.

Dans ses courses, il emportait toujours quelque livre, d’une littérature harmonisée au tableau déroulé à sa vue, et, par une magie, il peuplait la contrée de héros fabuleux. Du haut du Mont-de-Vénus, il voyait presque à ses pieds le pic moins élevé du Godesberg avec sa tour solitaire, et, dans les brumes épandues, les évocations s’offraient plus intenses à ses yeux de poète devenu penseur, qui ne rêvait pas, ne pleurait pas — et se contentait de méditer.

Ce n’est pas sans raison qu’on a ridiculisé les premiers romantiques, à la voix sans cesse mouillée et sanglotante. La solitude, pour leurs complexions maladives, se désolait, et leurs vers expriment une tristesse universelle causée seulement par leur faiblesse et leur étisie. Pour Ferrian, dont la nature saine et forte était à l’abri de ces morbidesses et de ces « névroses »,. la solitude ne fut qu’un moyen de voir plus grand, plus profond — et mieux. Sa contemplation se doubla d’une concentration de pensée qui, de jour en jour, posa son esprit, naguère si fugace et si instable. Dans ces bois, auxquels il lui semblait se mêler comme un Sylvain, devant les lointains où le fleuve des fleuves coulait ses eaux, il voyait mieux les recoins de son être et mesurait ses forces. Il se disait que lui aussi était artiste, que lui aussi manierait un jour l’outil qui vibre et qui chante. Il éprouvait cette constante envie de transcrire dans une œuvre ce qu’il voyait, cette chose insaisissable que d’autrès,