Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/104

Cette page n’a pas encore été corrigée

tandis que Pierre Marius, abandonnant tout pour la peinture, entrait à l’Académie, sous Portaels, et bientôt après allait se fixer à Rome où les maîtres et la religion l’appelaient simultanément.

Lorsqu’il revint d’Italie, sa réputation était déjà assise. Calme, ayant de quoi vivre seul, le jeune peintre se retira dans son vaste atelier de Laeken qui lui faisait l’effet d’une demeure de petite ville. Tous les samedis soirs seulement, il passait les ponts pour aller aux réunions de camarades, chez Ferrian, et les causeries avec les amis se prolongeaient souvent très tard, laissant à chacun une bonne impression de cordiale et intelligente intimité. On y parlait d’art, toujours, en buvant des grogs ; Beckx et Chastel jouaient des duos de Mendelssohn, ou bien le premier improvisait au piano, sur les vers berceurs d’un sonnet ou d’une ballade romantique, des chants graves et continus qui pleuraient comme des mélopées ; Ferrian lisait parfois quelques strophes de poèmes écrits par lui aux heures de spleen, à ces heures où, regrettant de ne pas avoir approfondi un art spécial, il éprouvait l’intense désir de les embrasser tous à la fois.

Marius parlait peu. Il semblait passer dans la vie sans la connaître, replié sur lui-même. Aux causeries du samedi, seul jour où on le vît, il écoutait les autres d’un air presque paternel, ne comprenant pas la gaîté bruyante, lui dont la joie même paraissait triste.

Peu accoutumé à boire, il se sentait tout étourdi lorsqu’il revenait de chez Ferrian ; parfois alors, il sortait de son mutisme et parlait d’art avec une ferveur d’enthousiasme, comme