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GASTON

Ceux qu’on accuse à tort n’ont pas à se défendre — et le monde peut parler.

ALBERT (violemment)

Eh bien, je ne veux pas moi qu’il parle, tu m’entends ; je ne veux pas qu’il dise : M.  Gaston de Cléry est l’amant de la comtesse de Morteroche.

GASTON (froidement)

Ah ! il dit cela ?

ALBERT

Eh bien, que dis-tu, toi ?

GASTON

Je dis qu’il faut le laisser dire.

ALBERT

Même s’il dît vrai ?

GASTON

Même s’il dit vrai. As-tu parlé de cela à ta femme ?

ALBERT

Oui, elle m’a répondu comme dans les comédies : je ne veux pas me défendre.

GASTON

C’est très bien dit, je n’ai qu’à l’imiter, et toi — tu feras ce que tu voudras.

ALBERT

Ce que je veux, c’est savoir ; c’est m’enfoncer dans la tête ou l’en rejeter tout de suite ce soupçon que le monde me souffle à voix basse, à toute heure. Ma femme, Christine, je l’aime, entends-tu ? je veux l’avoir à moi, à moi seul, je l’ai payée de mes angoisses, de mes doutes, de cette attente de deux mois dont j’ai le cœur broyé. Réponds-moi, réponds-moi.

GASTON

Je n’ai rien à dire.

ALBERT (brutalement)

Réponds-moi.

GASTON

Je n’ai rien à dire.