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PROTECTRICES DES ANIMAUX.

tion dans le genre Phyllium. Celui-ci doit son nom « d’insecte-feuille » à l’apparence extraordinaire de ses ailes et même de ses pattes et de son thorax, qui sont aplatis et élargis, de telle sorte que l’observation la plus exacte a peine à distinguer l’insecte vivant des feuilles qui lui servent de nourriture.

La famille des Phasmidæ, ou spectres, à laquelle cet insecte appartient, est tout entière plus ou moins imitative. Plusieurs de ses espèces sont connues sous le nom « d’insecte-canne » à cause de leur rapport frappant avec de petites branches. Quelques-uns sont longs d’un pied et gros comme le doigt ; toutes leurs couleurs, leur forme, leurs rugosités, l’arrangement de la tête, des pattes et des antennes sont tels, que leur apparence est celle de bâtons desséchés. Ils se suspendent à des buissons dans la forêt, et ont la bizarre habitude de laisser pendre leurs pattes irrégulièrement, ce qui rend l’erreur encore plus facile.

L’un de ces insectes, que j’ai trouvé à Bornéo, le Ceroxylus laceratus, était couvert d’excroissances foliacées d’un vert-olive clair, ce qui lui donnait l’apparence d’un bâton couvert d’une mousse parasite ou de Jungermannia. Le Dayak qui me l’apporta, assurait que cet insecte vivant était recouvert de mousse, et ce ne fut qu’après un examen minutieux que je me convainquis du contraire.

Il est inutile de donner plus d’exemples pour prouver l’importance des détails de forme et de couleur chez les animaux, et démontrer que leur existence dépend souvent de ce moyen de se dérober à leurs ennemis. Ce