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DE LA TENDANCE DES VARIÉTÉS À S’ÉCARTER

ne leur offrent pas non plus une provision constante et abondante d’aliments convenables. Ceux dont l’organisation ne leur permet pas d’émigrer dans les saisons de disette ne se multiplient jamais beaucoup : c’est probablement la raison de la rareté des pics chez nous, tandis qu’ils sont sous les tropiques l’un des oiseaux solitaires les plus répandus. De même, le moineau est plus commun chez nous que le rouge-gorge, parce que sa nourriture est plus assurée : les graines qu’il mange se conservent l’hiver et nos cours de ferme et nos chaumes en fournissent une provision inépuisable. Les oiseaux aquatiques, les oiseaux de mer surtout, sont en règle générale très-nombreux ; non qu’ils soient plus féconds que d’autres, car c’est tout le contraire, mais leur nourriture ne leur manque jamais, les bords de la mer et des rivières pullulant de petits mollusques et de crustacés.

Les mêmes lois s’appliquent exactement aux mammifères. Les chats sauvages sont très-prolifiques et ont peu d’ennemis ; pourquoi sont-ils plus rares que les lapins ? La seule réponse possible est que leur alimentation est plus précaire.

Il paraît donc évident que, tant que les conditions physiques d’une contrée demeurent les mêmes, sa population animale ne peut pas augmenter sensiblement. Si une espèce augmente, d’autres qui se nourrissent des mêmes substances doivent diminuer en proportion. Le nombre des animaux qui meurent chaque année doit être immense, et, comme l’existence de chaque individu dépend de lui-même, les plus faibles, c’est-à-dire les plus jeunes, les malades, doivent disparaître, tandis que