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LIMITES DE LA SÉLECTION NATURELLE

de ses facultés intellectuelles ne s’appliquent ni à ses relations avec ses semblables, ni à son progrès matériel. La conception de l’éternité et de l’infini, et toutes les notions abstraites de forme, de nombre et d’harmonie qui jouent un si grand rôle dans la vie des nations civilisées, sont absolument en dehors du cercle des idées du sauvage, et n’ont aucune influence sur son existence individuelle ni sur celle de sa tribu ; elles n’ont donc pas pu se développer par la conservation des formes utiles de la pensée ; et cependant nous en trouvons des traces au milieu d’une civilisation très-peu avancée, et dans un temps où elles ne pourraient avoir aucun effet pratique sur le succès de l’individu, de la famille ou de la race. Nous ne pouvons pas davantage nous expliquer par la sélection naturelle le développement du sens moral ou de la conscience.

D’autre part, nous trouvons que ces caractères sont tous indispensables au perfectionnement de la nature humaine. Les progrès rapides que fait la civilisation quand les conditions sont favorables, ont pour première condition que l’organe de la pensée humaine ait été préparé d’avance, ait atteint son plein développement de volume, de proportions et d’organisation, de façon à n’avoir plus besoin que d’être exercé pendant quelques générations pour coordonner ses fonctions complexes. La nudité et la sensibilité de la peau, rendant nécessaires les vêtements et les maisons, ont dû développer chez l’homme un esprit inventif et ingénieux, et, en faisant naître par degrés les sentiments de pudeur, ont pu influencer sa nature morale. La station