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LIMITES DE LA SÉLECTION NATURELLE

instrument préparé pour l’homme civilisé, et sans lequel la civilisation n’eût pas été possible. Les singes se servent peu de leurs doigts séparés et de leurs pouces opposables ; ils saisissent les objets gauchement et rudement, et il semble qu’une extrémité moins perfectionnée leur rendrait les mêmes services. Je n’attribue pas beaucoup de valeur à cet argument, mais s’il est prouvé qu’une puissance intelligente a guidé ou déterminé le développement de l’homme, nous reconnaîtrons les traces de son action dans des faits qui, par eux-mêmes, ne peuvent pas servir à la prouver.


La voix de l’homme.


La même remarque peut s’appliquer à un autre caractère particulier à l’homme, la puissance, l’étendue, la flexibilité et la douceur merveilleuse des sons musicaux produits par le larynx, surtout dans le sexe féminin. Les mœurs des sauvages ne nous indiquent pas comment la voix aurait pu se développer ainsi par la sélection naturelle, car ils n’en ont aucun besoin et n’en font aucun usage. Le chant des sauvages n’est qu’un cri plaintif plus ou moins monotone, et les femmes ne chantent en général pas du tout. La voix ne compte certainement pour rien dans le choix de leurs femmes, car ce qu’ils apprécient c’est la santé, la force, la beauté animale : la sélection sexuelle n’a donc pu développer cette admirable faculté, qui ne s’exerce que chez les peuples civilisés. Il semble que cet organe