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APPLIQUÉE À L’HOMME.

tralie, de Tasmanie, de la Terre de Feu, et de certaines peuplades Indiennes[1] du Nord de l’Amérique, ne réclame guère que l’exercice de quelques facultés dont certains animaux jouissent presque au même degré que ces sauvages. Leur manière de prendre le gibier ou le poisson n’est pas plus ingénieuse et ne prouve pas plus de prévoyance que celle du jaguar, qui laisse tomber de la salive dans l’eau et saisit les poissons qui viennent la manger ; ou celle des loups et des chacals qui chassent en troupes ; ou celle du renard, qui enterre les restes de sa nourriture et les garde jusqu’au moment où il en a besoin. Les singes et les antilopes placent des sentinelles pour se garder, les castors et les mulots construisent des demeures compliquées, l’orang-outang se dispose une couche pour dormir, et d’autres singes anthropoïdes se font un abri dans les arbres : tous ces faits peuvent entrer en comparaison avec le degré de soin et de prévoyance que montrent certains sauvages dans les mêmes circonstances. L’homme possède des mains libres et perfectionnées, dont il ne se sert pas pour la locomotion, et qui lui ont permis de façonner des armes et des outils que les animaux ne pourraient pas faire, mais, après cela et dans la manière dont il s’en sert, il ne manifeste pas plus d’intelligence que ne le feraient des animaux. Qu’est-ce que la vie du

  1. Digger Indians. Ce sont des tribus réduites par des guerres malheureuses à un état de misère extrême. Elles paraissent avoir perdu l’usage des arts les plus élémentaires, même celui de construire des huttes, et vivent dans des trous et des cavernes. Voyez Tylor, Researches into the early History of Mankind, Londres 1870, p. 188. (Note du trad.)