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PAR LA SÉLECTION NATURELLE.

l’homme se préserve de semblables accidents en surveillant et en guidant l’action de la nature. Il sème la graine de la nourriture qu’il préfère, et s’assure ainsi des provisions indépendantes des accidents amenés par la variabilité des saisons, ou les causes naturelles de perte. Il domestique des animaux, dont il se nourrit ou se sert pour s’emparer de sa nourriture, et rend par là inutiles les modifications de ses organes digestifs ou de ses dents. L’homme, d’ailleurs, fait partout usage du feu, et peut par son moyen rendre comestibles un grand nombre de substances végétales et animales, dont il lui serait sans cela presque impossible de se servir ; il obtient par là une variété et une abondance d’aliments telle qu’aucun animal ne la possède.

Ainsi donc, l’homme, par la seule faculté de se vêtir et de se faire des armes et des outils, a enlevé à la nature la puissance de modifier lentement, mais d’une manière durable, sa forme et sa structure pour les mettre en harmonie avec les changements du monde, puissance qu’elle exerce sur tous les autres animaux. Ceux-ci, pour pouvoir vivre et maintenir leur nombre, doivent subir dans leurs mœurs, leur structure et leur constitution des modifications correspondantes à celles par lesquelles passent les races qui les entourent, les animaux dont ils se nourrissent, le climat ou la végétation des contrées qu’ils habitent. L’homme atteint le même but au moyen de son intelligence, dont les variations lui permettent, tout en conservant le même corps, de se maintenir en har-