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CRÉATION PAR LOI.

teur est semblable au nôtre ? Lorsque le principe qui a servi à expliquer une moitié de la création se trouve être inapplicable à l’autre, on ne se tirera pas d’affaire en disant que « c’est là un mystère inexplicable. » Nous savons qu’un homme doué d’un goût élevé et possédant une richesse illimitée, supprime dans tout ce qui dépend de lui les formes et les couleurs disgracieuses et désagréables ; si l’on veut expliquer la beauté de la création par le goût du beau chez le Créateur, nous demandons pourquoi il n’en a pas banni la laideur, comme l’homme riche et éclairé la bannit de sa maison et de sa propriété, et, si nous ne recevons aucune réponse satisfaisante, nous aurons raison de rejeter l’explication qu’on nous offre. Quand il s’agit des fleurs, auxquelles on se réfère toujours spécialement comme prouvant de la manière la plus certaine que le Créateur a voulu le beau en lui-même, on ne tient pas compte de tous les faits. La moitié au moins des plantes de notre globe n’ont pas de fleurs brillantes ou belles, et M. Darwin est récemment arrivé à cette conclusion générale remarquable, que les fleurs sont devenues belles, dans le but unique d’attirer les insectes qui aident à leur fécondation. Il ajoute : « J’ai été amené à cette conclusion, en constatant, comme règle invariable, que, lorsqu’une fleur est fécondée par le vent, elle n’a jamais une corolle de couleur vive. » Voilà un exemple étonnant et le plus inattendu de l’utilité de la beauté, mais il y a plus : il est prouvé que, lorsque la beauté est inutile à la plante, elle ne lui est pas donnée ; on ne peut