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CRÉATION PAR LOI.

probablement eux-mêmes, dans les différences que présente la surface de la terre, l’action et la réaction réciproque de lois générales prolongées pendant des siècles innombrables : c’est bien ainsi qu’ils expliqueraient les plaines et les vallées, les collines et les montagnes, les déserts, les volcans, les vents et les courants, les lacs, les rivières et les mers, et tous les climats si variés. Ils admettraient que le Créateur ne semble pas guider et contrôler l’action de ces lois, ici déterminant la hauteur d’une montagne, là le lit d’une rivière, rendant ici les pluies plus abondantes, là changeant la direction d’un courant. Ils admettraient probablement que les forces de la nature inorganique se règlent et se combinent d’elles-mêmes, que le résultat oscille nécessairement autour d’une moyenne donnée (qui elle-même change lentement), et que, en dedans de certaines limites, il se produit la plus grande variété possible.

Or, s’il n’est pas nécessaire d’admettre l’intervention d’une intelligence ordonnatrice à chaque pas de l’évolution qui se poursuit incessamment dans le monde inorganique, pourquoi veut-on nous obliger à y croire dans le domaine de la nature organique ? Ici, il est vrai, les lois qui sont à l’œuvre sont plus complexes, les agencements plus délicats, l’adaptation spéciale en apparence plus remarquable ; mais pourquoi mesurer l’intelligence créatrice à la nôtre ? Prétendra-t-on que parce que l’harmonie est complète, elle suppose une machine trop compliquée, si compliquée, que le Créateur n’aurait pas pu la construire assez parfaite ? La théorie de « l’intervention continuelle » met des bornes au pouvoir du