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CRÉATION PAR LOI.

subira lui-même une modification ; celui qui a la trompe la plus longue, prendra le plus de nourriture, et sera par conséquent le plus vigoureux ; aussi il fécondera le plus grand nombre de fleurs et laissera la postérité la plus nombreuse. D’autre part, les fleurs douées du nectaire le plus long étant mieux fécondées que toutes les autres, chaque génération verra cet organe s’allonger en même temps que se développera aussi la trompe des papillons. Et ce sera là un résultat nécessaire de ce fait, que comme dans toute la nature, ici aussi les organes des fleurs et des papillons oscillent autour d’une moyenne ; à chaque génération, certains nectaires la dépassent et d’autres lui restent inférieurs, et il en est de mêmes des trompes des papillons. Sans doute mille causes auraient pu arrêter cette marche des choses avant qu’elle eût atteint le point où nous la trouvons parvenue. Si par exemple, à une période quelconque, la variation dans la quantité du nectar avait été plus grande que celle de la longueur du nectaire, il en serait résulté que des papillons plus petits auraient pu l’atteindre, et par conséquent effectuer la fécondation. Il aurait pu encore arriver que, par d’autres causes, la trompe des papillons se fût accrue plus rapidement que le nectaire, ou que cet accroissement fût, de quelque façon, nuisible aux insectes, ou bien encore que l’espèce douée de la trompe la plus longue fût très-diminuée par les attaques de quelque ennemi ou par toute autre cause. Dans tous ces cas-là, l’avantage aurait appartenu aux fleurs qui, avec un nectaire court, auraient pu être fécondées par les papillons de petites espèces. Ce