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CRÉATION PAR LOI.

ganisés, s’est exposé à bien des malentendus, et a donné ainsi à ses adversaires une arme puissante contre lui-même. « Il est curieux, » dit le duc d’Argyll, d’observer le langage que prend instinctivement le disciple très-avancé du pur naturalisme, lorsqu’il veut décrire la structure compliquée de cette curieuse famille de plantes (les Orchidées). Il néglige complètement la réserve que l’on doit mettre à attribuer des intentions à la nature. L’intention est la seule chose qu’il voie, et, quand il ne la voit pas, il la cherche jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée. Il a recours à toutes les expressions, à toutes les comparaisons, pour indiquer une intention, un but intelligemment poursuivi : artifice, curieux artifice, admirable artifice, ces termes-là reviennent sans cesse sous sa plume. Voici, par exemple, la phrase dans laquelle il décrit les caractères d’une espèce particulière : « Le labellum développé prend la forme d’un nectaire prolongé, afin d’attirer les Lépidoptères, et nous ferons voir tout à l’heure que probablement le nectar est placé ainsi à dessein, qu’il ne peut être absorbé que lentement, dans le but de laisser à la substance visqueuse le temps de devenir sèche et dure. »

Plusieurs autres exemples d’expressions analogues sont encore cités par le duc, qui prétend qu’il n’y a pour ces « artifices » aucune explication possible, à moins qu’on n’admette un inventeur personnel, qui arrange spécialement les détails de chaque cas, tout en les faisant produire par l’accroissement et la reproduction dans leur marche ordinaire.