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L’INSTINCT CHEZ L’HOMME ET LES ANIMAUX.

De même, personne n’a encore enlevé d’un rayon de miel les larves pour les tenir hors de la présence d’autres abeilles, dans une grande serre avec abondance de fleurs et d’aliments, et observer alors quelle espèce de cellules elles construiraient. Tant que cette expérience n’a pas été faite, nul ne peut dire que les abeilles bâtissent sans instruction, nul ne peut dire que, dans chaque nouvel essaim, il n’y a pas d’abeilles plus âgées que les autres et qui leur enseignent peut-être la construction du rayon.

Or, dans une recherche scientifique, un point dont on peut chercher la preuve ne doit pas se présumer, et l’on ne doit point avoir recours à une force tout à fait inconnue pour expliquer les faits, aussi longtemps que les forces connues peuvent suffire. Pour ces deux motifs je refuse d’accepter la théorie de l’instinct dans tous les cas où l’on n’a pas d’abord épuisé tous les autres moyens possibles d’explication.


L’homme possède-t-il des instincts ?


Plusieurs des défenseurs de la théorie de l’instinct maintiennent que l’homme a des instincts exactement semblables à ceux des animaux, mais plus ou moins sujets à être effacés par ses facultés de raisonnement. C’est là un cas qui se prête plus qu’aucun autre à l’observation, et je vais lui consacrer quelques pages. On dit que l’enfant nouveau-né tette par instinct et plus tard marche par instinct aussi ; chez l’adulte on croit surtout voir l’effet de cette faculté