Page:Wallace - La sélection naturelle, essais, 1872.djvu/221

Cette page a été validée par deux contributeurs.
201
LES PAPILLONIDES DES ÎLES MALAISES.

tine et irréfléchie ? La modification graduelle par l’action des causes naturelles, dont nous pouvons suivre pas à pas presque tous les degrés, serait-elle une pure illusion ? L’harmonie entre les groupes les plus divers, qui présentent des phénomènes analogues, et indiquent par là leurs relations avec des changements physiques dont nous avions déjà des preuves, serait-elle un faux témoignage ? Si je pouvais le croire, l’étude de la nature perdrait pour moi son plus grand charme. J’éprouverais l’impression d’un géologue à qui l’on pourrait prouver que l’histoire passée de la terre n’est qu’une erreur, qu’il se trompe lorsqu’il croit rencontrer les traces d’un Océan primordial, que les fossiles dont il fait une étude attentive ne sont pas les témoins d’un monde jadis vivant, mais ont été créés tels qu’il les voit, et dans les rochers même où il les trouve. Je dois exprimer ma conviction que, malgré les apparences, aucun de ces phénomènes, même le plus insignifiant, n’est réellement isolé. L’aile même d’un papillon ne saurait changer de forme ou de couleur, sans que ce phénomène soit en harmonie avec la nature universelle, et constitue un pas dans sa marche générale. Je crois que tous les faits curieux que je viens d’énumérer sont dans la dépendance immédiate de la dernière série de changements organiques et inorganiques qui se sont produits dans ces régions, et si les phénomènes que présente l’île de Célèbes diffèrent de ceux des îles avoisinantes, ce ne peut être, à mon sens, que parce que l’histoire passée de cette île a été, à un degré quelconque, distincte de la leur.