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auguste.

« Tu es fatiguée, ma chère Laure, interrompit M. Dorigny en prenant le livre ; je suis d’ailleurs bien aise de vous lire moi-même la fin de cette histoire. »

M. Dorigny lut l’intéressante histoire de René Bègue-Bête, comme l’appelaient ses camarades, et lorsqu’il arriva à l’instant si effrayant où il se jette à l’eau, sans savoir nager, pour sauver celui de ses camarades qui l’avait le plus tourmenté, les enfants perdirent la respiration à force de partager la frayeur de tous ceux qui criaient au bord de la rivière : Au secours ! et lorsque René reparut, tirant près lui Achille, qu’il venait de sauver de la mort, ils fondirent en larmes : M. Dorigny lui-même était ému ; il continua, et lut comment René, retrouvant tout à coup l’usage de la parole, raconta la manière dont il a lutté contre l’eau en nageant comme un chien par instinct, sa joie inexprimable lorsqu’il s’aperçoit que cette crise affreuse lui a délié la langue, et qu’ils s’écrie, au moment où tout l’école l’emporte en triomphe : « Oh ! je parlerai donc comme un autre, à présent ; on ne se moquera plus de moi ! » À ces mots, Auguste, se jeta dans les bras de son père, et y cacha sa tête, tout honteux, tout désolé d’avoir pu se moquer de son petit camarade, parce qu’il bégayait.

— Eh bien ! mes enfants, que dites-vous de René ?… Et M. Dorigny posa le livre.

— Oh ! papa, s’écrièrent Laure et Amélie, les yeux baignés de larmes, nous voudrions bien le connaître ; quel beau caractère ! risquer sa vie pour un méchant enfant qui lui avait fait tant de mal !

— Il faut toujours se venger du mal en faisant le bien : cette histoire vous a donc beaucoup intéressés ?

— Oui, papa, et tellement que nous avons cru un instant voir Achille et René se débattre dans l’eau : il y a tant de