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auguste.

— C’est pourtant bien triste ! s’écria tout à coup Amélie ; il me semble que tu avais dit que tu aiderais Auguste à copier ses vers, et qu’alors nous aurions eu un petit bout de la soirée pour nous amuser tous les trois.

— Vraiment, je ne demanderais pas mieux, reprit Laure ; mais je crois que cela ne convient pas à notre père.

— Comment veux-tu, ma chère enfant, que cela me convienne ; M. Mauviel a donné un pensum à Auguste, mais il ne t’en a pas donné, et la besogne que tu ferais serait comptée pour rien. Est-ce que tu te repentirais du sacrifice que tu fais à ton frère, ma chère Amélie ?

— Oh ! non, papa ! je dis seulement que la soirée est bien longue ; je ne sais pas à quoi cela tient, mais je mêle toujours ma laine, et voilà trois fois que je recommence cette fleur.

— C’est ce que tu t’impatientes, mon enfant, et que tu penses à autre chose. Il faut, lorsqu’on se décide à renoncer à un plaisir, prendre son parti, non pour un moment, mais pour tout le temps de l’épreuve ; c’est à ton âge qu’il faut apprendre à subir avec patience les contrariétés de la vie ; c’est le seul moyen de se préparer d’avance à sacrifier ses plaisirs à un devoir ou à un bon sentiment. Tu seras bien plus heureuse demain soir lorsque nous serons tous réunis autour de mon bureau et que tu pourras te dire : j’ai acheté par un sacrifice le bonheur de cette soirée.

Amélie embrassa son père et dit bien bas : « J’ai eu tort, cher papa ; ne m’en veuillez pas si je suis moins raisonnable que Laure, je n’ai que douze ans. »

M. Dorigny lui donna une petite tape sur la joue en signe de paix, et reprit sa lecture. Lorsque la soirée s’acheva, Auguste savait les cent vers et avait copié sa longue tâche, Amélie avait avancé son tapis, et Laure avait terminé un très-joli fichu.