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auguste.

portrait, qu’il avait découpée comme les yeux, et fit à Ernest l’épouvantable grimace dont tu ne nous as parlé qu’en tremblant. Ce fut sa voix qui ces mots si effrayants : Regarde-moi !

Vous repentez-vous, méchant enfant ? Comprends-tu à présent, Auguste ?…

— Oh ! oui, papa, je comprends bien ; mais je n’aurais jamais deviné une chose comme celle-là.

— Tu aimais mieux croire qu’un portrait marchait et parlait !

— Non, papa : je crois que je ne croyais rien ; seulement cela m’occupait beaucoup, et j’en rêvais toutes les nuits : cela était si étonnant ! si merveilleux !

— Et c’est là le mal, mon ami ; le merveilleux attache, captive ; à ton âge on ne raisonne rien et on ajoute foi à tout. Les histoires de revenants sont aussi faciles à expliquer que celle de ce portrait. Les morts ne reviennent point ; il ne faut avoir peur que d’une seule chose dans ce monde, c’est de mal faire ! Lorsqu’un enfant est sage et obéissant, il n’a jamais rien à craindre ; ses parents et le bon Dieu veillent sur lui le jour et la nuit.

— C’était tout de même fort mal à Jérôme, reprit Auguste, qui paraissait livré à de graves réflexions.

— Oui, mon enfant, cela était fort mal, et il fut sévèrement réprimandé par ses maîtres, si bien que le pauvre homme eût lui-même un si grand regret de ce qu’il avait fait, qu’il tomba malade et resta au lit fort longtemps. Ce fut alors qu’il put voir que, si Ernest avait de grands défauts, son cœur du moins n’était pas méchant. Henri ne fut pas plus attentif près de lui pendant sa maladie que ne le fut Ernest ; le pauvre enfant avait bien perdu de son espièglerie ; l’effroi qu’il avait ressenti avait changé entièrement son caractère ; de brave et d’imprudent qu’il était