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les petits

caractère, déjà sauvage, devint presque féroce ; ils n’avaient pas notre douce et sublime religion pour leur inspirer le pardon des injures, pour leur apprendre à rendre le bien pour le mal ! Ils vécurent donc longtemps farouches et solitaires, se léguant de générations en générations, la haine, la misère et la vengeance. Deux siècles s’écoulèrent ainsi.

Lorsque les Normands ou hommes du nord, firent leur invasion en France, ils remontèrent la Loire, la Sèvre nantaise et la Sèvre niortaise ; cette dernière rivière s’étend jusqu’aux marais qui la séparent de l’Océan, et ces marais servaient d’asiles aux Colliberts ; ils furent presque tous massacrés impitoyablement. On était alors dans le ixe siècle ! Les débris de cette malheureuse peuplade ne trouvèrent d’asile qu’au fond des retraites les plus inabordables et dans le creux des rochers… Le désespoir aigrit encore leur caractère sauvage et ne donna que plus de force à leur farouche indépendance.

Ils vivaient bien misérablement lorsque, plusieurs siècles après, des missionnaires formèrent le projet de pénétrer au milieu de cette colonie errante et dépeuplée. Mal accueillis d’abord, ils appelèrent à leur aide la patience et la charité… Repoussés, menacés sans cesse, ils revinrent toujours, ils prièrent, et se dévouèrent au péril de leur vie à la tâche sublime qu’ils s’étaient imposée. On s’accoutuma à les voir, on partagea avec eux, et les creux de rochers, et le poisson que l’on prenait presqu’en tremblant, car les flots au lieu de les garantir, avaient apporté vers eux des bourreaux. Les missionnaires gagnèrent peu à peu leur confiance et lorsqu’ils prêchèrent la parole de Dieu, leur voix trouva le chemin de ces cœurs ulcérés et la foi s’y glissa comme la rosée dans le calice d’une fleur à demi-flétrie. Idolâtres ils s’étaient révoltés ; chrétiens ils se soumirent… À dater de ce moment ils vécurent sinon parfaitement heureux, du