Page:Waldor - Heures de récréation, 1890.pdf/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.
79
auguste.

la chambre des enfants. Il parvient à huiler si bien la serrure et les gonds de cette porte, qu’elle s’ouvrait sans faire aucun bruit.

» Le soir même où il avait tout disposé pour donner à Ernest ce qu’il appelait une bonne leçon, il prit Henri à part, et lui dit : « Le bon Dieu punira ton frère : mais toi, mon cher enfant, il te bénira, car tu es doux et bon. N’aies donc pas peur si tu vois cette nuit ton grand-oncle revenir de l’autre monde pour châtier Ernest. »

» C’était fort mal à Jérôme, mes enfants, de dire de semblables choses au petit Henri ; il savait fort bien que les morts ne reviennent point ; mais il n’avait reçu aucune éducation, et ne prévoyait pas les suites qu’aurait pu avoir une pareille correction. Il cherchait à prévenir Henri pour qu’il n’eût pas peur, ne voulant pas, pensait-il, punir l’innocent comme le coupable, et il s’y prenait, comme vous le voyez, bien maladroitement. Son ignorance, et tout ce qu’il avait à souffrir d’Ernest, peuvent seuls l’excuser un peu.

» Jérôme mit fort peu d’huile dans la veilleuse, et lorsque les deux enfants furent déshabillés, il monta dans sa chambre.

» Comme il l’avait prévu, la veilleuse ne fut pas longtemps à s’éteindre. Jérôme ouvrit alors doucement la porte ; il cachait une lanterne sourde ; il décrocha le tableau, et, se plaçant derrière lui, il le fit glisser jusqu’au lit d’Ernest. Le bruit que faisait le tableau en glissant empêchait que l’on entendît celui de ses pas ; lorsqu’il fut près du lit, il souleva la toile à l’endroit où se trouvaient les deux yeux, et dirigea tout à coup la lumière de sa lanterne sourde vers ces deux trous. Ernest, dans sa frayeur, crut voir des flammes sortir de ces yeux, et ce fut cette vive clarté qui éclaira non-seulement le portrait, mais encore la chambre. Il appliqua en même temps sa bouche à la place de la bouche du