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auguste.

jamais recommencer. Jérôme avait plus d’imagination que d’éloquence ; il eut recours pour cela à une espèce de fantasmagorie. Il découpa adroitement la bouche et les yeux du portrait, de façon à pouvoir les soulever comme des couvercles de tabatières.

» On aurait dit qu’Ernest courait comme à plaisir au-devant de l’effrayante punition que Jérôme lui préparait ; car si quelque chose peut excuser ce bon vieillard d’avoir persisté dans son imprudent projet, c’est la conduite que tint Ernest avec lui pendant les deux ou trois jours où Jérôme hésitait entre demander son compte ou donner la terrible leçon. Il y avait fort longtemps que ce brave homme patientait dans la maison par attachement pour ses maîtres et pour son petit Henri ; car Ernest lui rendait la vie fort dure, et il ne voulait pas s’en plaindre, de peur de le faire punir trop sévèrement. C’était lui qui aidait les enfants à se déshabiller, et pendant les deux soirées qui précédèrent celle où Ernest crut entendre la terrible voix du portrait, il fut sans pitié pour Jérôme, le faisant courir tout autour de la chambre, ne voulant pas se déshabiller, soufflant la lumière, montant sur son dos, lui tirant les oreilles et l’appelant vieux bonhomme, sans jamais faire succéder à toutes ces malices un mot aimable, une caresse. Ah ! vraiment, mes chers enfants, Ernest était un démon de turbulence et de malice ! mais il s’est bien corrigé depuis. »

— Vous l’avez donc connu, papa ?

— Oui, mes enfants, je l’ai beaucoup connu, et vous le connaissez aussi.

— Nous le connaissons ! s’écrièrent-ils tous trois à la fois ; oh ! que c’est drôle !

« Jérôme, mes chers amis, couchait au-dessus de l’appartement de ses maîtres, et il y avait un escalier dérobé qui conduisait de sa chambre à une petite porte donnant dans