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auguste.

— Laure l’interrompt toujours, se hâta d’ajouter Amélie ; allons, Auguste, conte, conte donc.

— Est-ce qu’on ne va pas allumer la lampe, papa ? voilà qu’on commence à n’y plus voir.

— Est-ce que tu as besoin d’y voir pour parler ?

— Non, papa, mais…

— Mais tu as peur ! s’écria Laure en éclatant de rire.

— Peur ! elle n’a que ce mot à la bouche ; et de quoi voulez-vous que j’aie peur ? Papa, elle me taquine toujours !… Faut-il sonner Joseph ? on n’y voit presque plus.

— Tout à l’heure, mon enfant ; continue l’histoire d’Ernest, elle m’intéresse. Eh bien ! tu disais qu’il faisait des grimaces au portrait de son grand-oncle…

— Oui, papa, reprit Auguste, dont le son de voix n’était plus aussi assuré ; il faisait des grimaces, et Henri lui disait que le bon Dieu le punirait d’être sans respect pour sa famille et pour les morts ; mais Ernest se moquait de son frère et l’appelait poltron.

— Un soir… Ici, Auguste s’arrêta, et son père sentit qu’il se serrait involontairement contre lui.

— Eh bien ! Auguste : un soir, reprit M. Dorigny en souriant.

— Eh bien ! papa, un soir… Et l’enfant s’arrêta encore.

— Sonne Joseph : je vois que nous n’aurions pas la fin de l’histoire.

Joseph alluma sur la cheminée deux lampes dont les épais garde-vues ne laissaient pénétrer qu’une douce et vague clarté.

— Tu n’as plus peur à présent, dit Laure en lui tirant une oreille, joyeuse privauté qu’en sa qualité de sœur aînée elle se permettait souvent.

— C’est toi qui auras peur tout à l’heure, méchante, et ce sera bien fait ; vois si Amélie est taquine comme toi ; laisse--