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auguste.

raconter. Ces histoires sont bien belles, direz-vous : on frissonne même en y pensant !… Et vraiment, mes petits amis, voilà, selon moi, le plus dangereux moyen de s’amuser ; je connais des enfants qui n’osent pas aller d’une chambre dans l’autre sans lumière ; j’en connais qui tressaillent au moindre bruit, au moindre pas, faisant mouvoir devant eux leur ombre, qui leur apparaît tout à coup sous la forme d’un fantôme.

— Ah ! par exemple ! avoir peur de son ombre ! s’écria Auguste en relevant la tête avec un air si décidé, que ses deux sœurs éclatèrent de rire.

— Voyez-vous ce petit homme de dix ans, qui n’a pas peur de son ombre ! reprirent-elles en riant.

— Je n’ai peur de rien, mesdemoiselles ! et Auguste leur jeta un regard presque courroucé.

— Pourquoi donc ne veux-tu jamais aller te coucher seul, et pourquoi faut-il, depuis quelque temps, que notre bonne allume une veilleuse dans ta chambre ?

— Fi ! que c’est vilain, mesdemoiselles, d’avoir remarqué cela, et de le dire, pour qu’on gronde Fifine ! Je n’ai pas peur ; et de quoi aurais-je peur ? si on allume une veilleuse, c’est parce que je m’ennuie quand je n’y vois pas.

— Viens ici, Auguste ; M. Dorigny attira l’enfant sur tes genoux. Tu dis que tu t’ennuies quand tu n’y vois pas : allons, sois franc, Joséphine t’aura raconté quelque histoire de revenants ou de voleurs.

— Mon Dieu non, papa ; Fifine ne m’a jamais rien conté, elle dit que vous le lui avez défendu ; seulement elle m’a lu il y a quinze jours un livre, oh ! un beau livre, qui m’a bien amusé ! depuis ce temps-là j’y ai tant songé, que, ne pouvant plus m’endormir à force d’y penser, j’ai demandé de la lumière pour y voir clair : c’est si ennuyeux de ne rien voir !