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rester tranquille dans le canot et il sauta dans le bateau paternel. Sa mère et son père soupaient dans la cabane. Lorsque les premiers moments de joie furent passés, Pierre raconta l’histoire du vieillard et de la pauvre aveugle à peu près de la même manière qu’il l’avait racontée à sa tante et à son oncle. Et son père et sa mère s’attendrirent aussi et bénirent le fermier et le bon curé.

Mais quand Pierre arriva à l’instant où la pauvre famille se sépare, et où l’on s’aperçoit que l’on a oublié le petit François, que personne ne paraît vouloir recueillir, le père d’Émeriau ôta vivement de sa bouche sa pipe qu’il venait d’allumer, et s’écria :

— Mon enfant, si tu avais bien pensé, tu m’aurais amené ce gamin-là ; pauvre petit ! il eût été fort bien avec nous, ton lit est encore là, et il y a bien ici de quoi l’occuper, le nourrir et l’amuser.

— Hélas ! oui, reprit la mère, et le bateau est bien vide et bien triste depuis que nous ne t’avons plus.

Pierre venait de sauter de la cabane dans le bateau, du bateau dans le canot ; il avait pris François dans ses bras, et avant que son père eût le temps de lui crier : « où vas-tu ? » il lui avait jeté le petit François sur les genoux, en répétant trois ou quatre fois :

— Le voilà ; père, le voilà, c’est le petit François ! le voilà, je savais bien que vous le recevriez, que vous lui apprendriez votre état.

— Tu ne perds pas de temps, mon garçon, s’écria Émeriau en riant, et tu mènes les affaires rondement ; il est gentil, ton petit François ; n’est-ce pas, ma femme ? tu étais tout comme cela à cet âge ; la vue de cet enfant me réjouit.

— Tu seras bon travailleur, François, n’est-ce pas ?

L’enfant fit signe de la tête que oui ! On le fit mettre à table, et toute la famille prolongea le repas jusqu’au