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les petits

famille du fermier, se sépara d’elle, en lui promettant de la revoir souvent.

Il était midi lorsqu’on arriva à la maison du curé. Sa vieille servante commençait à être fort inquiète ; car il n’avait pas coutume de rester aussi longtemps dehors. Elle était habituée à voir des pauvres arrêtés devant le presbytère, et elle ne fit attention à la pauvre aveugle et à ses deux enfants que lorsqu’elle les vit passer le seuil de la porte ouvrant sur la basse-cour ; ils suivaient de si près le bon curé, qu’elle commença par leur dire assez rudement que ce n’était pas le moment d’importuner ainsi, et qu’il fallait qu’ils restassent à attendre à la porte sur le banc de pierre placé en dehors.

— Non, ma bonne Madeleine, dit le curé à la vieille servante, tandis que Pierre rassurait la pauvre aveugle qui émit toute tremblante, cette brave femme va rester ici, elle y demeurera ; tu as besoin d’une aide.

— Mon Dieu ! Monsieur, est-ce pour cela que vous nous amenez une aveugle ?

— C’est une bonne fileuse, une bonne tricoteuse : elle se rendra utile le plus qu’elle pourra.

— Utile ! reprit Madeleine, vraiment, Monsieur, votre bon cœur n’a pas calculé la charge que vous prenez.

— Silence, Madeleine, ne faites jamais sentir à cette brave femme qu’elle peut m’être une gêne ; lorsque vous connaîtrez ses malheurs, vous en aurez autant de pitié que j’en ai eu : car vous êtes bonne, Madeleine, et ce n’est que par attachement pour moi que vous criez ainsi.

— Sans doute, sans doute, autrement qu’est-ce que cela me ferait à moi ? Et ces deux enfants-là, à qui sont-ils, vont-ils rester ici ?

— Si c’était la volonté de Dieu, Madeleine, il faudrait bien leur faire place ; ce n’est pas vous, Madeleine, qui