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colliberts.

querez pas d’ouvrage ici ; il n’y a jamais trop de bras dans une ferme.

— Excellent cœur ! interrompit le vieillard, je sais bien que vous ne comptez guère sur moi pour vous être utile ; mais vous me dites cela pour que je ne me tourmente pas de l’idée que je suis de trop sur la terre.

Le vieillard avait deviné juste, le bon fermier faisait comme venait de faire le curé, il cherchait à diminuer la honte que l’on éprouve souvent lorsqu’on sent que l’on va être à charge aux autres. Il ne suffit pas de faire le bien, il faut le faire avec délicatesse ; la main qui donne a besoin d’être bien légère pour ne pas blesser ! L’aumône devient humiliante toutes les fois qu’on ne sait pas lui donner l’apparence d’un prêt ou d’un salaire.

Le temps avait passé vile ; il était près de dix heures et les travaux de la ferme ne pouvaient pas rester plus longtemps suspendus. Il fallut songer à se quitter ; mais quand chacun fut debout, que le vieillard et Jean, se furent rangés à côté du fermier et que la pauvre aveugle et la petite Jeanne se furent rapprochées du curé, un cri général s’éleva :

— Et l’autre petit garçon, personne n’y a songé ?

La mère se baissa vers son fils, et le serra dans ses bras, comme pour dire :

— Si fait bien moi, mais je n’ai pas osé en parler.

L’enfant restait immobile, on aurait pu croire qu’il était étranger à tout ce qui se passait, si ses yeux pleins de larmes n’avaient témoigné du chagrin qu’il éprouvait d’avoir été oublié.

Il y eut un moment d’hésitation et de pénible embarras ; on se regardait en silence et personne n’osait ouvrir un avis ; le fermier et le curé sentaient qu’ils avaient déjà fait des sacrifices au-dessus de leurs forces.