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colliberts.

large chapeau de feutre noir, s’enveloppa dans un manteau de drap brun, salua en silence et s’éloigna.

Pierre crut remarquer que le regard de cet étranger s’était arrêté sur lui à la dérobée, au moment où il avait salué ; cette pensée l’empêcha de faire attention au curé, qui causait avec son oncle ; mais à la voix de celui-ci, il oublia l’étranger et s’inclina devant l’homme respectable qui voulait bien se charger de son instruction.

Le bon curé, chez lequel il venait d’arriver, était un homme profondément instruit, modeste comme l’est toujours le vrai mérite, et mettant au-dessus de la science les qualités du cœur : sa belle figure, sillonnée de rides, appelait le respect et l’affection. Pierre sentit dès le premier abord qu’il l’aimerait, et lorsque son oncle prit congé de lui, il l’embrassa et lui dit tout bas :

— Je crois que je serai heureux ici.

La chambre que l’on donna à Pierre ne ressemblait en rien à la cabane de son bateau et à la hutte de son oncle. Elle était grande et commode ; les murs, blanchis à la chaux, étaient unis comme une glace ; les solives du plafond étaient propres et réguliers ; une grande et large fenêtre ouvrait sur un jardin, et les meubles consistaient en un lit doux et bon, six chaises de paille, une belle commode de noyer et une petite table de cerisier. Pierre fit plusieurs fois le tour de cette chambre ; elle lui semblait un véritable palais.

Les premières leçons que notre jeune sauvage reçut lui parurent bien arides et le découragèrent ; il ne pouvait se plier à apprendre la grammaire et à faire des lettres ; il éprouvait cependant le désir de savoir écrire, et ce désir lui donna de la patience, il étudiait bien des heures par jour, il barbouillait bien des feuilles de papier, faisait des bâtons tout tordus, des O plus carrés qu’ils n’étaient ronds, et semait