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les petits

— Que Dieu soit béni ! répétait-il souvent ; j’ai sauvé mon oncle et ma tante ; j’ai changé leurs larmes en joie, et je laisse Loubette aussi joyeuse que je l’avais trouvée triste.

Pierre raconta à son père tout ce qui était arrivé dans la hutte. Le brave Émeriau le pressa dans ses bras, et loua son courage et son bon cœur. Il n’y a rien qui puisse rendre aussi heureux que les louanges qu’on reçoit de ses parents ou de ses maîtres ; Pierre passa des bras de son père, dans ceux de sa mère, et durant bien des jours sa physionomie exprima la plus douce gaieté et le plus grand contentement de lui-même.

Les fêtes de Noël arrivèrent. Pierre se mit à fourbir son fusil, à nettoyer sa carnassière, et il revêtit ses plus beaux habits : mais le jour où l’on avait coutume de partir s’écoula plus d’à moitié sans qu’il vît faire à ses parents le moindre préparatif de départ.

— Chère mère, se hasarda-t-il à dire, la journée est bien avancée, ne pourriez-vous presser mon père, nous n’arriverons que dans la nuit.

Mais sa mère, sans lui répondre, se détourna et feignit de remettre du bois au feu. Pierre se retira en silence ; il fut s’asseoir sur l’arrière du bateau, et se creusa la tête pour savoir ce qui avait pu empêcher son père de partir. Il se rappela que tout le jour sa mère avait paru triste, et que son père avait évité de lui parler.

— Qu’est-ce qui se passe donc ? pensait Pierre, quelque malheur nous menacerait-il ? Pourquoi alors m’en faire un mystère ? Je suis presque un homme à présent !

Et voyant son père occupé à retirer ses filets, où se déballaient d’énormes poissons, il quitta sa place et d’un bond fut auprès de lui.