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les petits

et que Dieu est bon de nous garder le ciel pour nous empêcher de regretter toutes les belles choses qui nous entourent ! Oh ! oui, Dieu est toute bonté ; ma mère et Loubette ont bien raison de me le répéter sans cesse.

Le bruit que fit alors une barque glissant tout près de lui, attira son attention. Bianca s’était levée ; elle aboyait. La nuit trop noire empêchait de distinguer autre chose que le ciel et la mer. Le bruit cessa.

Pierre allait se retirer dans la cabane lorsque le vent qui s’élevait lui apporta ces mots, comme venant de l’autre côté du rivage ; Loubette pleure ! et soit que la même voix répétât les mêmes mots, soit que l’esprit frappé de Pierre crût les entendre encore, il lui sembla que tout ce qui l’entourait prenait une voix pour lui crier : Loulette pleure.

Réveillant aussitôt ses parents, il leur raconte ce qu’il vient d’entendre, et les conjure de lui permettre de se rendre à la hutte de son oncle, leur promettant d’être de retour le lendemain. Il obtient enfin la permission de partir ; il saisit son fusil, appelle Bianca, s’élance dans sa petite barque, détache les rames et s’assied. Bianca se couche aux pieds de son jeune maître, et, la tête sur les deux pattes, elle s’endort. Tout à coup la lune laisse tomber un de ses rayons sur le canot que Pierre fait avancer à force de rames ; il aperçoit auprès de lui sur la banquette, un gros sac ; il veut s’en saisir, le sac échappe presque à sa main, et un bruit argentin se fait entendre. Qu’on juge de la surprise de Pierre ! Il ouvre le sac et des pièces d’argent s’offrent à ses regards. Remerciant le ciel, et animé d’un nouveau courage, il continue sa route : quatre lieues lui restent à faire ; le froid de la nuit perce ses vêtements, et engourdit ses mains ; mais il rame, il rame toujours ; le désir de secourir son oncle et sa cousine lui donne des forces, et ces mots Loubette pleure ! retentissent sans cesse à ses oreilles.