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colliberts.

d’être beau ? à quoi ça mène-t-il ? Je fais moins de cas de ça que de la fumée qui sort de ma pipe. Loubette est une poupée que sa mère adonise de son mieux ; je n’y trouve pas à redire ; l’enfant est laborieuse, propre, obéissante, et puis c’est une fille ; mais dame ! qu’on me laisse mon garçon ce qu’il est, et qu’on ne s’occupe pas de sa toilette et de son visage ; comme si, de retour au bateau, il allait pouvoir s’asseoir à mes côtés et me regarder travailler les bras croisés.

Pierre fit un saut vers son père, et, jetant ses bras autour de son cou, il lui dit :

— Sols tranquille, je fumerai et je travaillerai tout comme toi, car je veux être un homme ; mais cela n’empêchera pas que j’aime les beaux habits et que je trouve Loubette gentille.

À son tour, le père sourit, Pierre ne pensait guère à l’avenir ; l’avenir était pour lui le soir de la journée ou le matin du lendemain ; sa pensée n’allait pas au-delà. Il courut trouver Loubette et l’emporta suspendue à son cou : Loubette était aussi petite et aussi délicate que Pierre était grand et fort. Il se rendit avec elle dans son joli petit batelet, et promena longtemps la jeune enfant sur les canaux qui coupaient alors les marais nouvellement formés par la retraite des eaux de la mer. Loubette riait et habillait de tout ce qu’elle voyait ; sa petite figure rose et éveillée faisait ressortir les beaux traits mâles et graves de son jeune cousin. Tout à coup Pierre saisit son fusil, il a vu une sarcelle raser la mer ; il l’ajuste, il suit ses mouvements… ; son fusil s’élève et se baisse deux fois en une minute, Bianca est à ses côtés, l’oreille dressée, le nez au vent. Le coup parti elle tressaille au bruit de l’explosion et, prompte comme l’éclair, elle s’élance à la nage.

— Ô pauvre petit animal ! dit Loubette en voyant sauter