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LE BATEAU À VAPEUR.

ferait rencontrer, il recevrait d’elle l’accolade de la reconnaissance. « Bien, se disait tout bas le père Bertrand, c’est très-bien !… » Ils demandent à remplir les devoirs de leur profession, et le plus ancien des serviteurs du château les conduit dans les caves, où tous les deux ils mirent en bouteilles une pièce de vin. Marcel, qui depuis plusieurs années avait perdu l’usage du métier, se frappait quelquefois sur les doigts en enfonçant les bouchons ; son vieux père ne pouvait s’empêcher de sourire ; mais, ravi de la respectueuse obéissance de son fils, il répétait toujours entre ses dents : « Bien !… c’est très-bien ! »

Cependant l’horloge du château vient de sonner cinq heures, et notre lycéen-tonnelier éprouvait une faim dévorante ; aussi fut-il agréablement surpris lorsque le même valet de chambre qui les avait conduits dans les caves reparaît, une serviette sur le bras, en leur annonçant qu’ils sont servis. Ils s’attendent à trouver dans un coin de l’office un repas frugal qu’on leur a préparé. « Alfred n’aura pas voulu nous faire manger avec ses gens, dit Marcel à son père ; et c’est une attention dont je lui sais gré. » Ils suivent donc le vieux serviteur, qui leur fait traverser la salle à manger, où ils remarquent un couvert mis pour douze ou quinze personnes : ils ne savent ce que cela signifie ; mais leur surprise est au comble lorsqu’ils entendent leur introducteur, ouvrant la porte du grand salon, annoncer à haute voix : « Messieurs Bertrand père et fils ! » Ils se regardent tous les deux avec stupéfaction, et s’imaginent d’abord qu’on veut les mystifier ; mais le jeune comte, accourant à leur rencontre, leur annonce que leur place est aux deux côtés de la comtesse, dont il a reçu les ordres précis, « Tu suis trop bien ceux de ton père, dit-il à Marcel en souriant, pour être surpris que je n’obéisse pas de même à mon excellente mère. — Bien ! c’est très-bien ! répète alors tout haut le père